Récemment interrogée par une cliente à propos de l’archivage patrimonial des emails, la réflexion ouverte par la réponse m’a donné l’idée de ce billet.
Ce mode de communication est devenu dominant dans les échanges entre collègues ou avec des interlocuteurs externes. Toutefois, lorsque l’on accompagne des clients dans des démarches de dématérialisation, on se rend compte que le caractère probatoire et/ou patrimonial est plus souvent associé à un document, plus particulièrement s’il est signé. L’email est parfois seulement envisagé comme un mode d’échange commode d’une pièce-jointe, qui elle seule, sera considérée. Le message de l’email en lui-même, ses métadonnées (notamment la date et l’heure) sont parfois délaissées.
Les questions qui se posent ouvrent plusieurs champs d’investigation et trahissent aussi des inquiétudes. Nous tenterons d’apporter ici quelques courtes réponses.
# Les emails sont-ils des archives patrimoniales ?
Une première remarque s’impose. Le périmètre ne doit pas être restreint aux seuls emails envoyés. Dans une optique patrimoniale, toute la correspondance numérique émise et reçue par une institution entre, plus particulièrement si elle est publique, dès sa création (envoi ou réception), dans le champ des archives. Le texte de référence est le Code du patrimoine, Article L211-1 : « Les archives sont l’ensemble des documents, y compris les données, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l’exercice de leur activité« . Cette vision a priori présente dans la législation ne présage pas de la valeur historique des contenus. C’est le caractère (public) de l’institution et qui les crée et les reçoit qui leur donne leur statut.
Pour résumer et en même temps élargir le champ aux organisations privées, l’email est un objet numérique à part entière, comme peut l’être un document. Ainsi, il doit être traité de la même façon.
# Doit-on conserver les emails ? Pourquoi ?
Nous venons de le voir, les emails entrent, plus particulièrement pour une institution publique, dans le panel des documents éligibles à un archivage patrimonial. A ce titre, ils doivent donc tous être conservés a priori. Ceci ne signifie toutefois pas qu’ils seront tous versés aux archives in fine. De manière similaire à la documentation papier, la définition de la valeur historique de certains emails et les opérations de tri seront effectuées sur décision des services compétents.
Au-delà de l’intérêt historique, il y a toutefois bien d’autres motifs de conserver les emails. La démarche est effectuée depuis longtemps, pas particulièrement dans les entreprises ou les institutions de grande taille. En effet, la plupart des emails échangés sont engageants. Dans ce cas-là, les conserver relève aussi de la gestion des risques.
On pourrait encore citer un troisième motif d’intérêt des emails : la gestion des connaissances (Knowledge Management dans sa dénomination anglo-saxone). Cette pratique vise à préserver et mettre à disposition le capital de connaissances d’une organisation pour notamment :
– Avoir un accès plus aisé aux connaissances d’une structure, même lorsque l’on vient de l’intégrer,
– Travailler plus rapidement et tirer parti des expériences passées,
– Ne pas perdre des connaissances avec le départ d’un collaborateur…
# Comment savoir quels emails conserver ?
L’archivage (et plus particulièrement celui à caractère patrimonial) va concerner in fine un tout petit volume des emails échangés (environ 10%). De nombreux messages seront exclus : spam, lettres d’informations, échanges informels ou peu sensibles dans un dossier… De même, une politique hybride d’archivage sera mise en place pour articuler courriers papier et électronique. Un message sera conservé ou non en fonction de sa valeur déterminée par plusieurs caractéristiques (éventuellement cumulatives) :
- La nature et la sensibilité de son contenu et/ou des pièces-jointes,
- Son utilité en tant que preuve dans le cas d’un litige potentiel ou avéré,
- Son utilité dans un processus métier en tant que support de connaissances,
- Son auteur et/ou son destinataire,
- Son contexte de rédaction et/ou de réception…
Une institution publique devra se rapprocher des services d’archives compétents pour connaître le périmètre des emails à verser.
# Quelle est la durée de conservation d’un email ?
Nous l’avons dit, un email est un objet numérique comme peut l’être un document. De la même façon, d’un point de vue archivistique, il est rattaché à un dossier d’affaire et relève en premier lieu des durées de conservation qui y sont associées. Si dans un contexte patrimonial, tout email d’une institution publique est potentiellement intéressant « par nature », il n’en est pas pour autant intéressant « en soi ». C’est avant tout son lien avec les autres contenus du dossier d’affaire qui va déterminer la durée de sa conservation.
Dans tous les cas, les règles de conservation doivent être communes et partagées avec l’ensemble des collaborateurs. Elles sont définies par la direction (le cas échéant en accord avec les services d’archive compétents) et diffusées dans un référentiel.
# Comment organiser la conservation des emails au niveau du système d’information ?
Au-delà du message ou de ses pièces-jointes éventuelles, l’email doit conserver les éléments permettant de juger de sa provenance, de son authenticité et de son cycle de vie (signatures, accès, transformations éventuelles, versions…). Dans le cas contraire, il perd sa vocation probatoire et une partie de sa valeur patrimoniale. Le tableau ci-dessous présente une synthèse des principales différences entre les solutions.
Bonne pratiques : comment limiter le nombre d’emails reçus et envoyés ?
Limiter le nombre d’emails reçus et envoyés reste le meilleur moyen de simplifier et de diminuer vos opérations de conservation. Voici quelques pistes simples et rapides à mettre en œuvre pour mieux gérer le flux et le stock de la boite de réception.
# Aller plus loin
Le format du billet de blog ne permet malheureusement que d’en rester au niveau des généralités. J’espère toutefois qu’il aura pu vous apporter quelques réponses. Pour approfondir ce sujet, vous pouvez consulter les contenus du MOOC mis en ligne par le CR2PA : http://archivagemanagerial.fr/ Si vous souhaitez des réponses personnalisées ou si vous avez un projet autour des emails, n’hésitez pas à prendre contact avec Atol CD !
30 octobre 2019 at 15 h 43 min
Bonjour,
L’archivage des emails est sans doute un moyen de conserver un historique, mais pas pour autant un moyen à valeur probante.
4 novembre 2019 at 9 h 12 min
Est légal ce qui est conforme à la loi.
Est probatoire ce qui a vocation à prouver.
Est probant ce qui prouve effectivement.
La recevabilité d’un moyen de preuve ne doit pas être confondu avec sa force probante. (MALAIRE P., MORVAN P., Introduction au droit, LGDJ, 2014). En cas de conflit, tout élément de preuve est laissé à la libre appréciation des juges (Code de procédure pénale).
Le seul email, même archivé, n’apporte pas de fiabilité relative à l’identité de l’expéditeur ou à l’intégrité du message. Toutefois, ce n’est pas parce qu’il n’est pas conçu de manière à pouvoir apporter des preuves qu’il ne sera reconnu comme probant par un juge. Un e-mail peut être produit en justice dans tous les cas où la preuve est libre (droit pénal, droit commercial et, selon les domaines, droit civil). Il peut être utilisé comme preuve, ou comme commencement de preuve.