Au sein d’Atol CD, nous sommes amenés à participer à des projets de développement d’applications à des fins professionnelles. Que notre action soit en assistance à maîtrise d’ouvrage ou à maîtrise d’oeuvre, nous prenons en compte l’individu, le groupe, la technique. Nous travaillons sur les interactions d’un individu avec une application dans une activité qui peut être collective, autrement dit la médiation sociotechnique. Nous utilisons parfois de manière interchangeable les termes : utilisation, usage et pratique. La rédaction récente d’une proposition d’accompagnement au changement a été l’opportunité de se replonger dans la littérature professionnelle et scientifique liée aux nouvelles technologies. Si cette dernière tombe parfois dans l’écueil de la non distinction, plusieurs travaux permettent d’élaborer des définitions et ainsi, de donner un périmètre à chaque terme.

L’approche que nous proposons ici se veut avant tout pragmatique et n’a pas de prétention académique. Nous vous renvoyons pour cela aux travaux scientifiques, notamment ceux cités à la fin de ce billet. Les définitions proposées ici vous permettront sans doute de mettre un terme sur un cas de figure et de comprendre certaines de nos remarques telles que :

  • « Quels sont les cas d’usage ? »,
  • « L’acquisition d’un logiciel ne vous apprend pas à travailler comme l’achat d’une voiture ne vous apprend pas à organiser vos vacances »,
  • « Nous vous fournissons un guide utilisateur »,
  • « En pratiques, vous travaillez comment ? »…

L’utilisation

Elle  relève de la mise en oeuvre directe des fonctionnalités proposées, sans objet en particulier. Un guide d’utilisation pourrait avoir comme synonyme un mode d’emploi. L’accent est mis sur l’application et les fonctionnalités qu’elle propose.

  • → « Si je clique ici, il se passe cela ».
  • → « Comment formuler une demande d’achat dans le logiciel x ».
  • → « Pour passer une vitesse, je dois appuyer sur la pédale d’embrayage ».

L’usage 

Il donne un contexte à l’utilisation et sous-entend une appropriation. On parle par exemple de :

  • Cas d’usage : une utilisation particulière,
  • Mésusage : une mauvaise utilisation dans un cas donné ou une utilisation dans un cas qui n’a pas été prévu.

Le contexte n’est pas forcément social. Une routine d’emploi, une manière de faire peut être liée à un individu en particulier.

  • →  « Pour tel type de document, la procédure à suivre au sein de l’application est la suivante ».
  • → « Une demande d’achat généraux (fournitures de bureaux) vs une demande d’achat d’immobilisation (un véhicule) ».
  • →  « Avec une voiture, je peux aller travailler, partir en vacances, faire des courses… ».

La pratique 

Elle amène la notion de représentation spécifique. Elle introduit aussi une dimension sociale. Elle met l’accent sur les individus dans un ensemble d’actions dont l’application informatique n’est qu’une composante. La « manière de faire » par la disponibilité et la manipulation d’une nouvelle application va engendrer un renouvellement des pratiques. 

  • → « L’application fait évoluer les pratiques de collaboration et de gestion des connaissances ».
  • → « Selon la filiale, les règles de validation des demandes d’achat s’appuient sur la nature de l’achat et/ou sur le montant de l’achat et/ou sur l’auteur de la demande d’achat ».
  • → « Les pratiques de conduite varient d’un pays à l’autre ».

Si l’on peut arriver à distinguer un périmètre de couverture de ces termes (par la définition que nous venons d’en donner), il est intéressant de garder en mémoire qu’ils ne sont pas forcément liés à des notions d’échelle ou de temporalité. 

L’usage n’implique pas nécessairement une action plus élaborée et complète au sein d’une application que l’utilisation. La pratique peut elle même étendre le cadre prévu de l’application par des actions de bricolage, de détournement ou en sortir par l’existence d’applications concurrentes plus adaptées.

De même, l’usage n’arrive pas forcément après l’utilisation dans le temps. Autrement dit, ce n’est pas la pleine connaissance de l’utilisation hors contexte spécifique des fonctionnalités d’une application qui fait naître les usages. Ces derniers existent par eux-mêmes et constituent parfois le besoin à l’origine du développement des fonctionnalités. Pour la plupart ils restent aussi « à venir » d’où la difficulté de concevoir des applications à même de répondre à de futurs usages. Enfin, la disponibilité d’une (nouvelle) application va bouleverser certaines pratiques professionnelles (collaboration renforcée, critères limités imposant aux équipes de devoir décider des critères communs…) ; à moins que ce soient les pratiques elles-mêmes qui soient en avance sur les applications disponibles comme dans le cas du travail en mobilité.

Pour aller plus loin

Actes et communications du Colloque international francophone sur les Usages du numérique en éducation : Regards Critiques qui s’est tenu du 21 au 23 mars 2018 à l’Institut Français de l’Education, sur le campus Descartes de l’ENS de Lyon.

https://usagesnumedu.sciencesconf.org/

Sous la direction de Patrick-Yves Badillo et Nicolas Pélissier, Revue française des sciences de l’information et de la communication, « Usages et usagers de l’information à l’ère numérique », n° 6, 2015.

https://journals.openedition.org/rfsic/1215

Blog de Marc Jahjah, chercheur et enseignant (MCF) en Sciences de l’Information et de la Communication (Université de Nantes, IUT La Roche-sur-Yon, laboratoire LS2N) et plus particulièrement le billet Usages et pratiques : quelles différences ? (1/7) deux traditions d’analyse des manières de faire, Posté le 23/10/2013

http://www.marcjahjah.net/526-usages-pratiques-differences-14-deux-traditions-danalyse-manieres-de-faire